Henri Guaiano est le principal conseiller du président de la
République.
On le sait surtout depuis qu’il a pondu le fameux discours "y’a bon
Banania" de Dakar, dans lequel "on" faisait dire à Sarko (qui ne
donnait pourtant pas l’impression d’être complètement bourré, comme lors du
dernier G8 mais plutôt étonné de lire ces insanités
paternalistes devant ses hôtes Africains) :
"Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain
n'est pas assez entré dans l'histoire. Le paysan africain, qui depuis des
millénaires, vit avec les saisons, dont l'idéal de vie est d'être en harmonie
avec la nature, ne connaît que l'éternel recommencement du temps rythmé par la
répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles.
Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a
de place ni pour l'aventure humaine, ni pour l'idée de progrès."
Ce discours, hautement philosophique (dû, vous l’avez
compris, à la plume onirique de monsieur Guaiano), prouve que son auteur maîtrise au plus
haut degré les complexes évolutions des relations entre l’Afrique et l’Europe, porte très haut le flambeau des valeurs universelles d’humanisme et
de culture que le président français est sensé incarner, et avait réussi à jeter un certain froid dans
l’assistance, outre qu'il avait valu à son auteur d’être traité de "raciste"
par notre BHL national (lequel,s’il n’existait pas, eh bien il faudrait
l’inventer).
Et Monsieur Gaiano, montrant
par là qu’il était prêt à débattre avec élégance et brio, avait porté un jugement
pour le moins péremptoire sur BHL, le traitant de "petit con prétentieux".
Ambiances.
Tout ça est fort plaisant et donne quand même une idée de l'orientation du
discours philosophico-politique qui prévaut dorénavant dans notre pays (autrefois
appelé "la France des Lumières", mais c’était il y a bien longtemps).
Mais Gaiano ne cherche même
pas à faire semblant : il assume, par exemple, sa "sensibilité
barrésienne" (rappelons quand même que Barrès, proche de Mauras, fut célèbre pour
son nationalisme caricatural, fut anti dreyfusard et qu’on lui
doit, entre autre, cette fulgurance que ne renierait pas Le Pen : "Que Dreyfus ait trahi, je le conclus de sa race").
Il refuse également tout acte de contrition (on dit "repentance")
à propos du passé colonial de notre pays, parlant (comme c’est intéressant !)
des ponts que le colonisateur a construits et c'est lui qui a inventé cette action
marketing un peu obscène de la lecture de la lettre du jeune résistant à ses
parents avant d’être fusillé.
C’est du genre "je n’arrive pas à vous convaincre, alors je
vous prends par les tripes et ça marchera".
Il se défend malgré tout, et c’est un bon point pour lui si c’est
vrai, d’avoir demandé qu’on parle de "compagnon" (qui sonne plus gaulliste)
plutôt que de "camarades" (Guy Môquet, eh oui, était communiste) dans l’intitulé
de l’hommage officiel qui est, "commémoration du souvenir de Guy Môquet et
de ses vingt-six compagnons fusillés", alors que le condamné écrivait bien
dans son dernier billet à Odette Leclan* : "Je
vais mourir avec mes vingt-six camarades."**
Et c’est là qu'intervient la manip "ni vu ni connu j’t’embrouille".
Cette re-découverte et cette récupération (il n’y pas d’autre mot)
de la lettre du jeune résistant pour redorer le blason un peu terni de Kärcher Ier,
sent tellement son coup de pub que ça en choque beaucoup qui trouvent dans cet
accès soudain de patriotisme d’opérette, cette obsession de la notion d’"’identité
nationale", comme un calcul, un côté "fast-food"
appliqué au discours politique, sans même que soit prise la peine
d'un minimum de recul sur l’émotion et, au-delà de son instrumentalisation, de ce qu’elle implique en termes d’humanité au quotidien.
Alors que, tous les jours des étrangers sans papiers sont traités,
humiliés jetés en prison et expulsés dans des conditions qui rappellent les
méthodes des bourreaux du jeune résistant.
Tout cela est bien "dégueulasse"…
*"Le candidat Sarkozy avait lui-même déclaré (dans son parler in peu rustre qui plait tant à son électorat) : "Je veux
dire que cette lettre de Guy Môquet, elle devrait être lue à tous les lycéens
de France, non comme la lettre d’un jeune communiste, mais comme celle d’un
jeune Français faisant à la France et à la liberté l’offrande de sa vie, comme
celle d’un fils qui regarde en face sa propre mort." Et hop ! Emballé c'est pesé ("J'vous en ai mis un p'tit peu plus, M'me Michu, c'est un cadeau du patron, parce que vous êtes une bonne cliente").
**[Odette Leclan, son amie, militante de l’Union des jeunes
filles de France (U.J.F.F.), internée elle aussi.]
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