Gil Vicente est un artiste brésilien (homonyme d'un poète portugais de la Renaissance) dont je n'avais personnellement jamais entendu parler, mais la polémique qu'il vient de créer à l'occasion de la Biennale de Sao Paulo m'a amené à m'intéresser un peu à lui.
L'opus qui a provoqué débat ne pose certainement pas la problématique de la "beauté" et de l'esthétique mais bien de l'engagement politique de l'artiste.
Et Gil Vicente n'y va pas par quatre chemins : il a fait très fort en s'interrogeant (et nous interrogeant) en neuf scènes imaginaires au fusain, sur la possibilité, ou la nécessité, d'assassiner quelques grands de ce monde triés sur le volet, du Pape Benoît XVI, à l'ancien président George W. Bush en passant par Mahmoud Ahmadinejad.
La série de 9 dessins de format 2m sur 1,50 mètre chacun s'intitule "Ennemis" et il vous en coûtera la bagatelle de 260.000 dollars (les 9, faut pas exagérer) si vous désirez décorer votre chambre à coucher et faire de beaux rêves. Elle ne peut se vendre que comme un tout.
Il a bon goût dans ses haines et a particulièrement bien choisi ses cibles, même si notre vénéré président n'a pas eu l'heur de lui (dé)plaire -il faut dire que, contrairement aux personnes citées ci-dessus, notre phare de la nation national n'a surtout sévi, jusqu'à présent, qu'en interne (un peu comme notre Johnny Hallyday national que le monde non francophone, bienheureux, n'a pas à se fader).
Gil Vicente se défend malgré tout d'avoir voulu régler des comptes personnels vis-à-vis des dirigeants qu'il a mis en scène, mais affirme que l'idée de ces dessins lui est venue car il les considère comme responsables des maux qui affectent de nombreuses personnes à travers le monde.
Il récuse également l'accusation d'apologie de la criminalité, retournant plutôt le compliment à ceux qu'il croque sur le point de se faire dégommer : "Voler l'argent public, n'est-ce pas un crime ?"
Les arguments qu'il met en avant pour sa défense semblent malgré tout un peu confus : "Comme ils tuent tant de monde, il vaudrait mieux les tuer eux, tu comprends ? Pourquoi les gens au pouvoir ou ceux des classes aisées ne meurent pas ?"
Seul le président Lulla a droit à un traitement de faveur : il est représenté attaché sur une chaise et l'artiste s'est représenté en train de lui trancher la gorge. Les huit autres "meurtres" sont effectués par balles. Vicente a déclaré que la mise en scène concernant le président Lulla ne traduit aucun grief personnel contre lui.
A l'origine, son idée était d'utiliser des armes différentes pour chaque "meurtre" commis mais après celui de Bush, l'artiste a décidé de tuer tous les autres par balles.
On imagine sans peine que sa démarche a pour but de créer la polémique et, ma foi, c'est réussi.
L'idée est assez jouissive (je trouve) et doit avoir un effet cathartique certain. Par contre, est-ce de l'art ou du cochon ?
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